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24 août 2008

Mauvais singes

C'est une salle qu'un auteur dramatique en manque d'inspiration aurait pu imaginer, les yeux rivés sur sa page blanche : des murs blancs. Un plafond blanc. Un sol blanc. Pas complètement dépouillée, mais assez pour que les rares éléments du décor laissent pressentir qu'ils tiendront un rôle crucial dans la pièce qui va se jouer.
Une femme est assise sur l'une des deux chaises alignées contre une table blanche rectangulaire. ses mains sont menottées devant elle; elle est vêtue de la combinaison orange des détenus, dont la couleur vive paraît terne dans toute cette blancheur. Un homme politique sourit sur une photographie accrochée au mur, au-dessus de la table. de temps à autre, la femme lève les yeux vers la photo ou vers la porte qui est l'unique issue de la pièce, mais n général elle ne quitte pas ses mains du regard et attend.
La porte s'ouvre. Un homme en blouse blanche entre, apportant de nouveaux accessoires : un dossier et un magnétophone.
- Bonjour, dit-il. Jane Charlotte ?
- Elle-même.
- Je suis le Dr Vale.
Il ferme la porte et s'approche de la table.
- Je suis ici pour vous poser quelques questions, si vous êtes d'accord.
Comme elle hausse les épaules il demande :
- Savez-vous où vous êtes ?
- Sauf s'ils ont déplacé la salle ...
Puis :
- Dans la prison de Las Vegas. L'aile des barjots.
- Et savez-vous pourquoi vous êtes ici ?
- Je suis en prison parce que j'ai tué quelqu'un que je n'étais pas censée tuer, répond-elle, impassible. Quant à savoir pourquoi je me trouve dans cette pièce avec vous, j'imagine que ça a un rapport avec ce que j'ai raconté aux policiers qui m'ont arrêtée.
- Oui.
d'un geste de la main il désigne la chaise vide.
- Puis-je m'asseoir ?
Nouveau haussement d'épaule. Il s'asseoit. Rapprochant le magnétophone de ses lèvres, il récite :
- 5 juin 2002, aux environs de 9 heures  45. Ici le Dr Richard Vale, en conversation avec la patiente Jane Charlotte ... Où habitez-vous actuellement ?
- Eh bien en ce moment, je n'ai pas vraiment de chez-moi.
- ... sans domicile fixe.
Il pose le magnétophone qui reste allumé sur la table et ouvre le dossier.
- Bon ... Vous avez dit aux policiers qui vous ont arrêtée que vous travailliez pour une organisation secrète de lutte contre la criminalité, les Bad Monkeys.
- Non, dit-elle.
- Non ?
- Nous ne luttons pas contre la criminalité, mais contre le mal. Il y a une différence. Et les Bad Monkeys, c'est le nom de mon département. L'organisation dans son ensemble ne porte pas de nom, pour ce que j'en sais. C'est simplement "l'organisation.
- Et qu'est-ce que cela signifie, "Bad Monkeys" ?
- C'est un surnom, dit-elle. On en attribue un à tous les départements. Les appellations officielles sont trop longues et trop complexes pour être employées autrement que sur du papier à en-tête, donc on leur trouve des diminutifs. Par exemple, pour la branche administrative, officiellement il s'agit du "Département pour l'optimalisation de l'utilisation des ressources et du personnel", mais tout le  monde appelle ça "Coûts et Bénéfices", tout simplement. Quant au pôle de renseignements, il s'agit du "Département de surveillance omniprésente et intermittente", or, dans la conversation, on parlera juste du Panoptique. Et puis il y a ma division, le "Département des dispositions finales relatives aux individus irrécupérables ..."
- Les individus irrécupérables.
Le docteur sourit.
- Les Bad Monkeys.
- Tout à fait.
- Ne faudrait-il pas d'ailleurs les appeler les Bad Apes ?

Comme elle ne répond pas, il entreprend de lui expliquer :
- Les êtres humains sont davantage liés aux grands singes qu'à ...
- On croirait entendre Phil, dit-elle.
- Qui ?
- Mon petit frère. Philip. Lui aussi il aime bien couper les cheveux en quatre.
Elle hausse les épaules.
- Ouais, techniquement vaudrait sans doute les qualifier de grands singes plutôt que de singes. Et techniquement ...
Elle lève les bras et secoue ses bracelets.
- ... il vaudrait mieux appeler ça des poignées-nottes. Mais ce n'est pas le cas.
- Donc, votre boulot chez les Bad Monkeys, demande le docteur, en quoi consiste-t-il ? A punir les gens malfaisants ?
- Non. En général on les tue, c'est tout.
- Et les tuer, ce n'est pas les punir ?
- Sans doute, si vous le faites pour vous venger de quelq'un. Mais ce n'est pas le rôle de l'organisation. On essaie juste de rendre le monde plus agréable.
- En éliminant les gens malfaisants.
- Pas tous. Seulement ceux qui, selon Coûts-Bénéfices, feront d'avantage de mal que de bien s'ils continuent à respirer.

...


Voici les premières pages d'un bouquin qu'on a bien du mal à laisser avant d'être arrivé à la dernière page. Ce sont ces lignes qui m'ont incité à me plonger dans cette histoire speed et délirante. Bon, il n'est pas apprécié par tous les spécialistes de science-fiction et de fantastique, mais moi qui ne suis pas spécialement amateur de ce genre, j'ai bien aimé son style et sa manière de dérouler l'histoire.

Il est titré Bad Monkeys, écrit par Matt Ruff et traduit de l'américain par Laurence Viallet. Il est édité par 10/18.

badmonkeys1   badmonkeys

L'auteur                                             et son bouquin

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Commentaires
C
Et bien voilà un livre que je vais aller de ce pas chercher chez mon libraire. Je me suis laissée prendre à la lecture de cet extrait. Comme en plus je suis une fan de polar ET de SF/Fantasy ca tombe vraiment très bien:)<br /> Merci à vous.<br /> Bonne semaine :)
C
Non, je ne pense pas qu'il ait une suite.<br /> Par contre, je ne sais pas s'il va te plaire, certains vrais spécialistes du genre ont l'air de dire que l'auteur est prometteur, mais qu'ils ne sont pas tout à fait satisfait de ce livre.<br /> A tenter peut-être.<br /> En ce moment je suis dans les polars du froid : Jon Hallur Stefànson, par exemple, une autre atmosphère ...
F
Arght...<br /> Il me tente bien. Ce n'est plus possible, ma liste de bouquins à acheter s'allonge à une vitesse incroyable ! <br /> :(<br /> <br /> C'est un livre unique, il n'y a pas de suite au moins ?
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