Arriver à pied par la Chine ...
L'histoire avait fait scandale en 1996 : pour avoir porté des chaussures non règlementaires, 56 travailleuses vietnamiennes avaient été contraintes de courir autour de leur usine. Douze d'entre elles avaient terminé leur course à l'hôpital. L'employeur, Yue Yuen, qui avait imaginé une telle punition, fabrique des chaussures de sport bien connues et appartient au groupe hongkongais Pou Chen, leader mondial du secteur.
Aujourd'hui, l'ancien fabricant de sandales traditionnelles produit une chaussure de sport sur six dans le monde, soit 200 millions de paires , deux fois plus qu'en 1996. Malgré son impressionnant effectif (300 000 salariés), l'entreprise est parvenue à faire passer ses frais de personnels de 12 à 10 % du coût d'une chaussure sortie d'usine. La part de main d'œuvre d'une paire de baskets vendue dans un supermarché européen ne dépasse pas 1 % du prix de vente.
Une paire d'Adidas est vendue à Shenzhen entre 86 et 171$, plus que le salaire mensuel d'un ouvrier. Résultat : 4,1 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2007 et 359 millions de bénéfice. Un peu pâle à côté des 1,1 milliards de profit brut d'Adidas.
Pour les ouvrières, malgré les chartes de bonne conduite adoptées par les grands noms du sport et un programme de responsabilité sociale signé par Yue Yuen en 2005, les conditions de travail n'ont pas changé: pas le temps d'aller aux toilettes ni de s'hydrater, dix minutes pour déjeuner et un quota quotidien de production à remplir par chaque travailleur. Les heures supplémentaires ne sont ni payées ni déclarées. Et il faut souvent travailler deux à trois heures en plus des deux heures sup autorisées par jour. Pour les chaînes Adidas ("chaîne" c'est bien choisi comme vocabulaire) on atteint 4 heures supplémentaires quotidiennes et 70 heures par semaine. Petit plus : le "délai de fidélité" qui impose aux travailleurs d'être présents sans être payé un quart d'heure avant et après les heures de travail pour remettre leur matériel en état.
Rappel : 60 % des chaussures de sport sont fabriquées en Chine.
Et pourtant, c'est peut-être la fin du «Made in China», du moins pour les produits Adidas. Le patron de l'entreprise allemande, numéro deux mondial des équipements sportifs, compte transférer une partie de sa production de Chine vers d'autres pays, plus compétitifs. En cause, les salaires chinois «fixés par le gouvernement» et qui «sont progressivement devenus trop élevés» explique Herbert Rainer dans un entretien publié lundi par l'hebdomadaire économique allemand Wirtschaftswoche.
«Nous avons déjà ouvert une première usine en Inde», a expliqué Herbert Hainer, précisant que «des pays comme le Laos, le Cambodge et le Vietnam» pourraient s'y ajouter. La production pourrait aussi revenir «dans les pays de l'ex-URSS et en Europe de l'Est».
Selon le rapport annuel du groupe en 2007, Adidas produit 49% de ses chaussures en Chine, 1/3 de ses textiles et 65% de son matériel (ballons, sacs). Mais les salaires y ont aussi augmenté, de manière spectaculaire. Au premier semestre, selon le Bureau national des statistiques (BNS), les salaires urbains ont progressé de 18%. La Chine deviendrait donc moins intéressante pour les employeurs, d'autant que le gouvernement a augmenté le salaire minimum un peu partout et qu'une nouvelle loi sur le contrat de travail donne plus de pouvoirs aux syndicats. L'économie chinoise pourrait donc se recentrer sur des produits avec une plus forte valeur ajoutée et devenir également un nouveau marché pour les produits Adidas.
En ces temps où l'olympisme va provoquer des trémolos dans les voix des commentateurs et faire venir les larmes aux yeux des amoureux de la médaille il est bon de rappeler que dans le code éthique du Comité International Olympique figurent ces mots :
" La sauvegarde de la dignité de la personne humaine est une exigence fondamentale de l'olympisme. Les parties olympiques ne devront pas être liées à des entreprises dont l'activité serait incompatibles avec les principes définis par la charte olympique et le présent code."
Heureusement que de tels mots n'ont aucune chance de tomber sous les yeux des mômes de 12 , 13 ou 14 ans qui bossent à l'atelier d'emballage de Lekit Stationary, fournisseur de la marque de luxe Filofax qui produit des agendas marqués de Fuwa, la mascotte officielle des JO qui plait tant justement aux enfants.
(Sources : 60 millions de consommateurs et le site de 20 minutes)