Rouquins
"[...] A Groutel, j'avais souffert de mes cheveux rouges, j'étais un dépigmenté, un poil de brique, un mauvais petit rouquin qui avait pris le soleil à travers une passoire. A Melun, j'eus à faire face à ceux qui me reprochaient, et c'est généralement les mêmes, ma rouquinerie et ma juiverie [...] La pire insulte, celle qui me mettait hors de moi, c'était :"Ta mère t'a pas retiré du four à temps". Des insultes pour les rouquins, il y en a des tas. Être rouquin, c'est pas normal, c'est comme être juif. Moi, j'étais les deux [...]"
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"[...] J'étais rousse. Rousse comme il n'est pas permis de l'être. Rousse sang. Pas d'une couleur orangé très vive, mais d'un rouge flamboyant, un rouge rubis, un rouge hurlant. J'étais extrême, couleur révolution. Rousse rouge, incandescente, enflammée, écarlate, feu [...] Je vivais double. L'intérieur, ma chair et mes os de petite fille, et l'extérieur, vermillon ou carmin. Je ne pouvais les emmêler, j'étais en deux parties [...] si j'étais calme à l'intérieur, la provocation venait de l'extérieur, de ce rouge collé à ma peau, à ma tête, à ma vie [...]"
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Un jour, j'allais à mon cours de violon, quand j'étais gosse. Je passe devant la salle de billard et Floyd et tous ses amis sont dehors. Il m'a crié : "Hé, Poil-de-carotte !" J'étais un gamin un peu suffisant. J'ai posé mon violon, je suis allé vers lui et lui ai dit : "Je ne m'appelle pas Poil-de-carotte. Si tu veux t'adresser à moi, appelle-moi par mon nom normal. Je m'appelle maître Heywood Allen".
J 'ai passé cet hiver-là dans un fauteuil roulant. L'équipe de médecins eut un mal fou à m'extraire le violon [...]"
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Martin Monestier, Les poils, histoires et bizarreries : Cheveux, toisons, coiffeurs, moustaches, barbes, chauves, rasés, albinos, hirsutes, velus et autres poilants trichosés édité au cherche midi