Tour de France

Un discours de reprise en main de la situation (Serge Joncour)

Mesdames, Messieurs,

En tant que chairman officer de la World Wild Fund of Pension United, je profite de cette séance plénière pour faire une petite mise au point sur ce que certains d'entre vous ne craignent pas d'appeler une situation de crise.

Comme vous le savez, l'exploitation d'évènements sportifs est un des nouveaux secteurs d'activité sur lequel nous misons beaucoup, nonobstant le caractère hautement aléatoire de ses résultats. C'est pourquoi, compte tenu des circonstances exceptionnelles qui nous préoccupent, je tiens à vous le répéter : "non, non et non, nous ne regrettons pas d'avoir racheté la Société du Tour de France.

La crise qui nous réunit aujourd'hui fait que je pense en tout premier lieu aux sponsors, aux commentateurs sportifs, aux médias, et au prétendu préjudice qu'ils subissent. En effet, à la suite de la multiplication des contrôles inopinés et sanguins, et de la cascade d'abandons impromptus, il apparaît qu'à ce jour, et après une semaine de course seulement, il ne reste plus, en tout et pour tout, qu'un seul coureur en course, situation tout à fait inédite et inenvisageable, hautement insolite en tout cas... Bien. Et alors ? vous répondrai-je, où est le problème, vous dirai-je en vous regardant droit dans les yeux... Qu'est-ce que ça change ? Pourquoi craindre une désaffection du public ? Pourquoi craindre pour le prestige de cette compétition ?

Je tiens à vous le rappeler haut et fort, même avec un seul coureur en course, le Tour de France reste le Tour de France, une épreuve majeure et universellement commentée. Même avec un seul coureur, le Tour de France n'a rien perdu de son intérêt sportif, bien au contraire. Et je dirai même plus, au risque de vous surprendre, mais compte tenu de cette configuration tout à fait exceptionnelle, cette épreuve devient bien plus captivante, inattendue, bien plus imprévisible et exemplaire que jamais.

Voyons, mes amis, il n'y a qu'à allumer sa télé au hasard, il n'y a pas de plus beau spectacle que de voir cet homme seul trouver la motivation pour faire ses 150 kilomètres quotidiens sur des routes qui montent, qui descendent, et qui remontent encore, de le voir fendre à longueur de journée une foule incrédule et railleuse qui va même parfois jusqu'à lui tourner le dos.

Pour autant, je conçois bien que certains d'entre vous s'estiment plus ou moins lésés, je pense tout particulièrement à nos amies les chaînes de télévision, contractuellement obligées de retransmettre l'intégralité de l'étape en direct, et qui, ces derniers temps, rendent rarement l'antenne avant minuit, voire même une heure du matin, compte tenu de l'allure modérée de notre coureur, passablement peu motivé... Mais allons donc ! Qui se plaindra de voir ces images d'une course la nuit, ce ballet de phares de voitures, jaunes ou blancs, et même rouges parfois, quand ils ne sont pas clignotants. Quelle merveille.

Chaque soir, sur la ligne d'arrivée, j'en entends çà et là qui se plaignent du caractère assez prévisible du podium de chacune des étapes, alors que non, bien au contraire, le fait que ce soit chaque jour le même coureur qui gagne a pour moi valeur d'exemple. Cette image réitérée est la démonstration que, dans la vie, il n'y a pas de vraie course en dehors de celles qui nous amènent à rejoindre ce seuil en nous au-delà duquel on se dépasse...

Mes chers amis actionnaires et investisseurs, j'aimerais vous amener à relativiser quelque peu la situation et à bien prendre la mesure de la chance que représente pour nous la persévérance de ce coureur rescapé et combien il importe de le soutenir, de l'encourager, en un mot de le faire tenir coûte que coûte. Sans lui, je vous le rappelle, la situation serait proprement désespérée.

Alors je vous le dis, et le répète : Vive la course, et que le meilleur gagne.

 Jean-Edouard de la Bourdonnera