Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Abracadablog
Abracadablog
Publicité
Archives
29 juin 2012

3615, adieu !

minitel

Demain interviendra un évènement majeur : l'extinction du Minitel. Le petit terminal, encore utilisé par quelques centaines de milliers de personnes, ne sera plus relié à rien et devra être remisé à la décharge. Au-delà de la nostalgie qu'on peut ressentir à la disparition d'un objet familizer, c'est une page de l'histoire des télécommunications françaises qui se tourne.

A bien y penser, le Minitel est une bizarrerie technologique comme seule la France est capable d'en produire : au milieu des années 1970, quelques ingénieurs ont imaginé que leur pays, ayant à peine rattrapé son retard dans le raccordement téléphonique, pourrait utiliser ses nouvelles lignes pour transporter autre chose que la voix. Audacieux de penser, bien avant la naissance de l'informatique personnelle, que les Français pourraient adopter un jour un clavier et un écran pour consulter l'annuaire, passer une commande à la Redoute ou s'inscrire à l'Université. Et difficile de se figurer aujourd'hui que cette boîte maronnasse que nous sommes allé chercher à la Poste et avons laissé prendre la poussière à côté du téléphone était un exploit technique.

Prise péritel, port USB, système de paiement en "kiosque", recherche sémantique (sur le Minitel, on pouvait trouver l'adresse de quelqu'un en orthographiant mal son nom), bien des innovations ont vu le jour pendant l'aventure. Et on raconte que Steve Jobs lui-même s'en serait inspiré pour dessiner l'une de ses machines.

Reste la question qui fait mal : s'il fut un indéniable succès technique et commercial, le Minitel n'a-t-il pas entraîné le retard français au démarrage de l'Internet ? Du point de vue des infrastructures et des décideurs, peut-être. Nos ingénieurs et politiques ne voyaient pas bien l'intérêt de favoriser un système décentralisé, peu sécurisé et soumis à des plantages récurrents, alors que nous avions notre Minitel, solide, sûr et presque totalement contrôlable. Mais, d'un autre côté, il nous a familiarisés avec la présence de la machine, il nous a habitués au clavier et à l'écran, il a rendu imaginable qu'un billet de train se réserve par l'écrit et à distance, il nous a préparés - via les messageries roses notamment - aux forums et aux chats. Bref, le Minitel a sans doute fait notre éducation numérique et permis qu'une fois passés les patinages des premiers temps de l'Internet, la France devienne un des pays les plus connectés au monde.

Alors, le 30 juin, quand il s'éteindra pour toujours, c'est le dernier vestige de notre enfance digitale qu'on jettera. Comme un vieux jouet.

Xavier de La Porte, pour Beaux-arts magazine, avec une illustration de Hugues Micol

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité