Un café "cul-sec"

15 octobre 2011

Le luwak, que l'on connaît aussi sous le nom de civette des palmiers, ou plus formellement sous la dénomination scientifique de paradoxurus hermaphroditus, est un petit animal d'un brun sombre, parent de l'ocelot, qui hante la jungle indonésienne, où il passe le plus clair de son temps perché dans les arbres. Fructivore, cet animal se nourrit principalement de baies et de fruits à pulpe, qu'il ne cueille, dit-on, que lorsqu'ils parviennent à parfaite maturité. Il possède en outre une particularité intéressante : les graines dégustées traversent tout son tractus digestif, et ressortent absolument intactes. Voilà précisément qui excite les amateurs de luwak. C'est cette aptitude à toujours choisir les meilleurs grains, les plus rouges et les plus mûrs, pour les restituer ensuite. Cet animal est un amateur de café au superlatif.

Le café luwak provient des trois principales îles indonésiennes, Sumatra, Java et Sulawesi. Chaque année, il s'en produit entre 80 et 500 livres (les chiffres fournis par cette industrie sont parfois sujets à fluctuation), qui sont principalement exportés au Japon et aux Etats-Unis.

Même si cela étonne parfois le profane, c'est donc une civette qui fait subir aux grains leur première préparation. En effet, ceux-ci poussent enveloppés d'une couche extérieure de protéines un peu gluantes, dont on doit d'abord se débarrasser avant de torréfier les grains. De nos jours, le café est d'abord traité en machine pour ôter cette pulpe. ais la véritable noblesse du café luwak est d'être dépulpé par des voies entièrement naturelles. Quand la civette restitue ces grains, ils deviennent vierges de toute pulpe. La récolte ensuite est plus aisée. Il suffit de se promener et de ramasser les petits tas abandonnés.

"On attribue le goût et l'arôme très particuliers de ce café, explique un consommateur, au fait qu'il a été partiellement digéré par l'animal avant qu'on ne le récolte." Et comme l'animal a des glandes anales très odoriférantes, les fans du luwak ajoutent que cela concourt à son petit fumet indescriptible. Comme ils disent, c'est un café riche, bouqueté et généreux de corps. Certains lui trouvent même une fine senteur de gibier.. Qoui qu'il en soit, les amateurs sont unanimes : le café luwak est le nectar des cafés.

Né et élevé dans une famille de planteurs jamaïcains, John Martinez émigra aux Etats-Unis où il fonda la J.Martinez & Co, bientôt considérée comme une des meilleures firmes du négoce par les grands experts internationaux. Si le café luwak a connu une irrésistible ascension, passant de la quasi obscurité à la célébrité qui est la sienne aujourd'hui, on le doit principalement à ses efforts et à sa persévérence. C'est Martinez qui, le premier, décida d'exploiter ce produit nouveau.
Comme il le déclara un jour à l'Atlanta Journal Constitution, "lorsqu'on se trouve à la tête d'un marché exploitant la deuxième denrée la plus commercialisée au monde, on se doit de proposer ce qu'il y a de plus innovant."

Aujourd'hui, le luwak n'est pas seulement onéreux, il est hors de preix, sans doute pour renforcer l'effet mémorable laissé dans l'esprit des dégustateurs.

Proche de la méthode dite humide utilisée dans la fermentation industrielle du café, et nécessitant la présence d'acide lactique bactérien, le procédé de fabrication naturelle intrigue le chercheur Massimo Marcone, à l'Université de Guelph au Canada, qui tente désespérément de le reproduire. L'idée qu'il décrit dans la revue Food Research International tombe finalement sous le sens. Il a cherché un autre endroit sur la planète où cohabitaient d'autres civettes et des caféiers. Escale en Afrique cette fois, en Ethiopie, pays d'origine de l'Arabica, où vit la civette africaine (Civettictis civetta).
Bonne idée donc... mais le résultat n'a pas été à la hauteur de ses espérances car l'appareil digestif de la civette africaine n'est hélas pas aussi talentueux que celui du Luwak. Conséquence immédiate et 'dramatique' : Massimo va devoir encore patienter et jouer d'ingéniosité avant de savourer son propre Kopi Luwak au divin mélange d'arômes de la terre, de la jungle et de cet arrière goût étonnant caramel-chocolat… En attendant, un simple Cappucino devrait faire l'affaire !