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3 octobre 2011

L'homme qui puait du doigt

En sepembre 1991, un homme de 29 ans, éleveur de poulet de son état, se piqua au doigt avec un os de poulet, précisément. La blessure était mauvaise. Rapidement son doigt enfla, rougit et commença à exhaler une odeur nauséabonde. Le malade se présenta alors spontanément au Royal Hospital de Gwent (Pays de Galles), où il fut pris en charge par les docteurs Mills, Llewelyn, Kelly et Holt. Ceux-ci prescrivirent un antibiotique, la flucloxacilline. Mais la main empestait toujours. Ils essayèrent alors un autre antibiotique, la siproflaxine, sans plus de résultat. Ils passèrent ensuite à l'érythromycine, le doigt sentait toujours.

Les médecins décidèrent alors d'intervenir chirurgicalement. Cependant, la plaie ne révéla rien d'anormal. Ils tentèrent alors une biopsie, suivie d'une culture de micro-organismes, espérant y découvrir le noeud du problème. Mais rien, toujours rien. Et pendant ce temps la main du patient continuait à répandre son odeur pestilentielle. En désespoir de cause, les docteurs optèrent pour une analyse des selles, également suivie d'une culture. Là encore, ça sentait mauvais, mais pas plus qu'à l'ordinaire.

Enervés, les thérapeutes mirent alors en oeuvre tous les moyens imaginables : isotretinoïne, psoralène, traitement de surface aux ultraviolets, colpermine, probanthine, chlorophylle, et même la suppression totale de tous les antibiotiques pour restaurer la flore normale. Mais rien à faire. Rien ne marchait. Comme ils l'écrivent dans leur rapport :
"Bien que l'aspect clinique se soit amélioré, la conséquence la plus handicapante de l'infection consiste en une odeur putride, dégagée par la main blessée. On la détecte aisément à l'autre bout d'une pièce de bonne dimension et, en cas de congfinement dans un espace plus restreint, cela devient proprement insoutenable."
Cinq ans après la piqure initiale, l'homme empestait toujours. Parvenus à ce stade, les médecins ne virent d'autre recours que de rédiger et de faire paraître un mémoire sur ce cas étrange, dans l'espoir qu'un collègue ayant eu connaissance d'un cas semblable, puisse suggérer un moyen de calmer la détresse de leur patient.

 doigt

Pour avoir soigné, et pour avoir été professionnellement exposés à la puanteur d'un homme qui s'était piqué le doigt et empesta pendant cinq ans, Caroline Mills, Meirion Llewelyn, David Kelly et Peter Holt, conjointement avec leur malheureux patient anonyme, ont été honorés du Prix IgNobel 1998 de Médecine.

Les lauréats ne purent pas, ou ne souhaitèrent pas, se déplacer personnellement. Mais le docteur Mills dépêcha son cousin Matthew Edwards pour recevoir le trophée en son nom. A cette occasion, il lut le discours suivant :
"Merci pour cette récompense, qui vient saluer un rapport médical hors du commun. Nous avons publié ce cas uniquement pour quérir de l'aide. Hélas, en dépit d'une très volumineuse correspondance, personne n'avait jamais rien constaté de semblable auparavant et aucune suggestion ne s'avéra efficace. Notre histoire a cependant connu une heureuse fin. Notre patient a cessé de puer. Spontanément.
Nous vous remercions infiniment."

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Commentaires
O
Peut-être était-ce un maléfice. Pour avoir de son doigt pénétré l'anus du poulet, des dieux mécontents lui auraient joué un mauvais tour. Mais, je me doute qu'on ne me filera jamais de prix Nobel pour cette hypothèse. Évidement.
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