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15 juillet 2011

Regards sur Doisneau

Le Robert Doisneau des amoureux transis et des enfants rigolards, tout le monde connaît. Or, disent ses proches, il était bien plus que cela. Un dossier à la rencontre de son travail et de sa vie intime a été réalisé par Anne Cantin pour "Arts Magazine".

Extrait ci-dessous.

Robert Doisneau détestait commenter ses photos, mais adorait confier les anecdotes qui se cachaient derrière. Francine, une de ses filles, dévoile l'histoire de quelques clichés.

d1"Entre 1949 et 1951, mon père étaitsalarié par le magazine Vogue. Il a dû photographier toute une série de célébrités. Un jour, on lui a demandé de faire le portrait de Jacques Tati. Celui-ci venait de réaliser Jour de fête, un film dans lequel il jouait un facteur. Mon père a eu l'idée de lui demander de venir au studio avec son vélo et de le démonter. Il pensait que Tati se contenterait d'enlever une roue. En fait, il l'a complètement démantibulé, puis remonté. Mon père était sidéré, mais c'est en l'observant qu'il a compris la méticulosité et la fantaisie avec laquelle Tati scénarisait ses films."


d3"Pendant la guerre, mon père faisait de faux papiers d'identité. C'était sa façon à lui de résister. Il a ainsi connu des imprimeurs clandestins sur lesquels il a fait un reportage à la Libération pour l'éditeur Pierre Betz. Au fil du temps, celui-ci lui commanda plusieurs autres sujets pour sa revue littéraire et artistique, Le Point (aucun rapport avec le magazine actuel), dont ce reportage sur Picasso à Vallauris. Le jour dit, mon père se présente devant la villa du peintre. Personne. Juste un chien. Il pousse le portail, suit le chien. Et c'est ainsi qu'il trouve Pablo Picasso, attablé avec Françoise Gilot. Il leur offre les petits pains qu'on voit ici. Il venait de les acheter à Vallauris parce que le boulanger les appelait les picassos. Puis, tout se déroule en un instant. Quelqu'un met les pains sur la table. Picasso cache ses bras. Et mon père déclenche. C'était fait. Il était venu pour plusieurs jours de reportage. Mais le premier cliché fut le bon. Je crois que c'est celui qui s'est le plus vendu."


d2"Aussi improbable que cela puisse paraître, cette photographie n'est pas mise en scène. On le voit très bien en regardant celles qui la précédaient et la suivaient sur la planche contact. Il l'a faite au cours d'une très longue prise de vue, un matin où il a pris beaucoup d'enfants en train de jouer. Ces deux couples de frères, l'un encastré juste entre les jambes de l'autre... on n'en croit pas ses yeux ! C'est ce qu'il appelait partir à la pêche à la ligne. Cette photo résume bien son style : un décor triste et gris, une scène drôle, un don pour capter les cadeaux du hasard..."

 

d4"Ca, c'est un cliché pris à Paris dans les environs de la place du marché Saint-Honoré. Quand il en parlait, il disait :"Ceux-là je les ai fait refaire." Il a vu passer ces jeunes, a pris la photo, mais a pensé qu'elle était ratée. Alors, il les a arrêtés et leur a demandé s'ils voulaient bien recommencer. Le garçon a protesté :"Oh là là, c'est la fille du patron !" Ses craintes étaient infondées puisqu'il paraît que le patron en a bien rigolé."

 

d5"On ne sait pas grand chose de cette photo qui a été prise dans la mine de Giraumont, en Lorraine. Sauf qu'il s'agissait d'une commande. Etait-ce pour un journal ou un reportage d'entreprise ? Nous avons retrouvé un petit carnet avec les deux rendez-vous ce jour-là, mais il n'avait pas inscrit de nom. Quoi qu'il en soit, ce genre de sujet social était de ceux qui lui tenaient le plus à coeur. Même dans les années 1980, alors qu'il était très demandé, si La Vie Ouvrière l'appelait pour un reportage dans une usine ou sur une grève, il partait à sept heures le lendemain."

 

d6"Mon père n'était pas attiré par les Etats-Unis. Il n'y serait jamais allé de lui-même. Le magazine Fortune lui a commandé un reportage sur Palm Springs, une oasis artificielle en plein désert de Californie. Il en est revenu avec une série de photos moqueuses sur l'univers des millionnaires qui y séjournaient. Ce travail ressemble à celui de certains photographes d'aujourd'hui, comme le Britannique Martin Parr, par exemple. Il a trouvé ces gens kitch et hallucinants. Très loin de son esthétique. Il s'en est moqué en saturant les couleurs. Mais ce n'est pas agressif. Dans une lettre, il les décrit comme joviaux et sympthiques. En fait, comme d'habitude, il s'est bien amusé."


d
Autoportrait au Rolleiflex, 1947
Doisneau se photographiait avec sérieux, mais se racontait avec le sourire.

 

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Commentaires
E
Effectivement, je ne connaissais que le Robert Doisneau des amoureux transis et des enfants rigolards ; très intéressant ces photos et commentaires
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