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16 avril 2008

L'oiseau d'avril

L'oiseau d'avril, ou le chant matinal de l'auvergnat.


Il pleut, il neige, il fait soleil, l'agneau bondit à côté de sa mère, la poule pond déjà des œufs de Pâques, les épinards sont magnifiques: c'est le mois d'avril. Il surexcite l'esprit humain. C'est en avril que l'homme inventa La Marseillaise, le pôle Nord, le système métrique, l'hélicoptère et la Légion d'honneur.

Le merle et le corbeau couvent leurs œufs verts. Jamais les prés n'ont entendu tant de chants d'oiseaux: l'aigle glatit, l'alouette turlutte, le merle siffle et le pinson lance des fanfares, l'auvergnat appelle d'une voix rauque, le coucou coucoule et le ramier roucoule au loin.

Le chant de l'auvergnat salue l'aurore, c'est le premier qu'on entend le matin. Il habite la forêt, les prés ou la montagne et se plait à l'orée des champs, qu'il rectifie, à l'occasion, à son profit. Sa plume est noire, son ventre blanc, sa silhouette trapue et sa fibre serrée, sa chair, qui vieillit avec l'âge, le rend impropre à la consommation. Ses yeux qui luisent d'un éclat charbonneux, s'allument àb la vue des choses qui brillent, ses regards perçants les voient de loin. Il les retient dans ses serres puissantes. Il les emporte dans son nid. De tous les oiseaux utiles, c'est le plus industrieux et même le seul qui fabrique du fromage. Certains ornithologues contestent l'auvergnat (Cuvier, Littré lui refusent la qualité d'oiseau), nul n'a jamais songé à nier son saint-nectaire.

Moins brillant que l'oiseau-mouche, plus vigoureux que l'homme et plus résistant que le cheval, il survit aux plus durs hivers. Comme le gypaète barbu, il niche au flanc des falaises vertigineuses. Du fond des vallées du Cantal on le voit faire son, nid au sommet des montagnes, de pierrailles accumulées. Il le couvre d'un chaume épais pour tenir chaud à ses petits. Nul ne détruit mieux que lui les insectes nuisibles, les mulots, les vipères, les rats qu'il découvre de haut, de son oeil de rapace. Il pique les boeufs au moment des labours; son chant encourage l'agriculteur. Il est fidèle et monogame, et capable de longs parcours; on le trouve en Asie, en Afrique. Ses migrations l'amènent en hiver dans les villes où il se nourrit de miettes de pain; il rejoint sa femme au printemps dans les monts du Massif central. L'auvergnat de prairie, au contraire, part l'été pour les hauts alpages où il vit parmi les troupeaux. L'auvergnat à tête grise reste aux abords du nid. Il ne fuit pas la société des hommes et s'attache aux gens qui le nourrissent, on l'aperçoit souvent aux terrasses des cafés ou dans les auberges des bourgs.

L'auvergnat peut vivre cent ans. On l'apprivoise avec du lard. Il dépérit généralement en captivité, où il refuse de se reproduire. Mais, quand on réussit à lui faire surmonter sa paresse et sa répugnance, il imite à la perfection, comme le geai des bois et le perroquet, le langage humain ou même le hollandais. On en a connu un qui avait appris l'allemand. Maint ornithologue lui attribue une intelligence plus qu'humaine. Il es capable de résoudre des problèmes de mathématiques qui effraieraient un jeune bachelier.

Lord S., en 1837, avait ramené un auvergnat dans son comté. Il lui avait appris l'anglais et les coutumes de son pays. Cet auvergnat se conduisait en tout comme un personnage britannique. Il sautillait sur les pelouses du Devonshire et charmait le lord par son babil. Le lord était un homme sujet au spleen: il se prenait pour un chien-loup et vivait dans une niche en bois qu'on lui avait bâtie dans son parc. Il avait dressé l'auvergnat, par un système de menaces et de flatteries, à monter dans le tilleul voisin où il lui faisait chanter Le Fantôme d'Edimbourg et plusieurs refrains de la marine. C'était un plaisir de les voir vivre ensemble et partager leurs jeux naïfs.

L'auvergnat devenant vieux, on le couvrit de lainage et on le fit entrer au salon. Il s'y tenait avec un geai dans une cage d'or. On mettait du porto dans sa soupe et de l'alcool dans son café; pour le faire parler on lui donnait du vin sucré. Comme on pensait qu'il souffrait de l'exil, on laissa à plusieurs reprises la porte ouverte, mais il n'en profita jamais. Il se plaisait à la conversation des gens les plus considérables, tels que des amiraux en retraite et des juges à trois marteaux.

Quand il mourut on l'enterra au fond du jardin. Cette histoire prouve combien l'auvergnat est sociable et se plait dans la compagnie des personnes les plus distinguées.

oiseau



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