Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Abracadablog
Abracadablog
Publicité
Archives
14 janvier 2008

Le papa d'Irma

irma

Il s'agit d'Irma la douce. Son papa s'appelle Alexandre Breffort. Lorsque j'ai fait quelques recherches sur le net pour vous parler de lui, je n'ai quasiment rien trouvé. Je vais donc passer par quelqu'un qui l'a connu et fréquenté : Yvan Audouard.

Voici ce qu'il a écrit à propos de Breffort :

"Il n'avait jamais lu Claudel (même en traduction) mais il connaissait par cœur Le Journal de Jules Renard et pouvait s'orienter de nuit dans les plus lointaines banlieues.
...
Quand Alexandre "fit du cinéma", il n'hésita pas à donner pour titre à un film dont il avait écrit les dialogues Sans tambour ni trompette pour la raison péremptoire que l'histoire ne comportait ni tambour ni trompette. Cela n'empêcha pas le producteur de lever le pied. Rattrapé, il fut mis en prison. On le relâcha néanmoins. Il avait fait valoir un argument auquel aucun juge ne pouvait rester insensible : "Vous n'imaginez tout de même pas que c'est en prison que je trouverai l'argent pour payer mes dettes ?"
Breffort fut payé. Ce producteur était sans doute légèrement aventuriste mais d'une rare honnêteté.
Camelot à la sauvette, d'abord, chauffeur de taxi la nuit, telles furent les Universités d'Alexandre. Y a-t-il meilleure formation pour un auteur ? D'autant que ces activités marginales développent l'imagination, sont créatrices de loisirs, permettent la grasse matinée, et incitaient Alexandre à pratiquer la "lecture des plafonds", là où nichent les oiseaux du rêveur éveillé.

Il prit l'habitude d'envoyer au Canard Enchaîné des petits textes , rimés ou non, des fables, des "cartes express". Maréchal, le directeur, n'hésita pas à les publier et les rédacteurs du Canard connurent sa signature avant de découvrir sa bonne gueule. Deux lèvres gourmandes, au nez fureteur, au regard de matou grassouillet sans cesse prêt à bondir sur un bon mot ou une jolie nana.
De nous tous il était de loin le plus élégant et le plus soigné. Costume rayé trois-pièces, le pli du pantalon impeccable, chaussures cirées, pochette discrète, cheveux lustrés, il donnait l'impression d'être retiré des affaires avant d'y être entré.
...
Il avait installé une bibliothèque dans les toilettes car, disait-il : "Je ne peux pas lire sans lunette."
...
Breffort ou la farce tranquille. Il fut de tous les canulars qui fleurissaient à l'époque et qui sont tombés en désuétude aujourd'hui. En revanche, les reportages bidons qui faisaient souvent la UNE des journaux du temps ne semblent pas avoir disparu des mœurs contemporaines.
Le Petit Parisien annonçait en ce temps-là une enquête sur la renaissance de l'anarchie. Breffort se rendit à Bruxelles sous le nom d'Alessandro Brefforte, terroriste napolitain, accorda à l'envoyé spécial une terrifiante interview qui parut en première page et fit rire la France entière après l'avoir fait frémir d'angoisse.

L'amitié de Breffort n'entraînait qu'une seule obligation: devenir son cobaye. Il essayait sur vous les histoires qu'il écrirait plus tard. Il les mettait en réserve. Elles constituaient son capital. Il ne les mettait en circulation qu'à partir du moment où il avait lu sur le visage de ses auditeurs une totale approbation.
Il ne laissait rien perdre. Il mettait de côté, laissait vieillir sa récolte. Cela finit par donner Irma la Douce.
Au début ce n'était qu'une petite carte du "grand-père Zig" publiée par le Canard. Il en tira un spectacle de cabaret intitulé Les harengs terribles. Et cela devint, avec la musique de Marguerite Monod, la première comédie musicale française et son plus grand triomphe. Et c'est ainsi qu'il devint notre somptueux banquier.


Fin de citation.

irma1

J'aime beaucoup cet auteur dont on ne parle plus guère parce que ce type d'humour (comme celui d'Alphonse Allais, par exemple) n'a plus cours dans les journaux d'aujourd'hui, Canard enchainé mis à part, évidemment. L'humour sur papier est maintenant plus proféré par les politiques et il est dans l'écrasante majorité des cas involontaire, ce qui lui enlève, convenez en, pas mal de sa saveur.

J'ai donc décidé de décréter la semaine du 14 au 19 janvier, semaine Alexandre Breffort. Et pour célébrer cette semaine, j'ai prélevé trois jolis textes d'un ouvrage titré : Les contes du grand-père Zig.

irma2

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité