L'espadrille
Comment ça, l'espadrille est de retour ? Les filles à la page savent
bien que, de Ré à Formentera, l'espadrille est, de tout temps, de tous
les étés. Leurs compagnons, eux, en avaient quelque peu abandonné le
port. Sorte de cousine estivale estampillée « degré zéro de la
séduction » de la charentaise, l'espadrille n'avait plus la cote, et ça
ne datait pas d'hier : Pablo Picasso est le dernier être humain un peu
désirable aux pieds duquel on avait aperçu le soulier catalan.
Habituées à plusieurs saisons successives de triomphe, les tongs
Havaianas et autres Birkenstock de chiropracteur munichois peuvent
commencer à numéroter leurs abattis. Et les fashion victims de sexe
masculin se préparer à souffrir. Sous des dehors de chaussant confort,
l'espadrille, mise au point dès le XVIIIème siècle
par des paysans pyrénéens, est un redoutable instrument de torture pédestre. La
toile (du jute indien qui, au fil des siècles, a remplacé le sparte
traditionnel) demande à être vaincue : la lutte entre la peau et l'étoffe
est inégale, qui se solde généralement par quelques mémorables ampoules. Et que
dire de la semelle en corde (variante moderne du genêt d'Espagne utilisé à
l'origine), qui transforme le moindre pas en numéro de fakir. Une fois que le
pied a triomphé de la chaussure, ce qui finit toujours par arriver, reste à
trancher une question stylistique capitale : peut-on envisager de porter
l'espadrille façon babouche, en repliant l1arrière sous le talon ? En d'autres
termes, le confort doit-il l'emporter sur le chic ? Les millions de femmes qui
souffrent quotidiennement pour être belles seront aussi fermes que
formelles : même pas en rêve. Chacun son tour.
(Anne Boulay, Le Nouvel Observateur, 15 juin 2006)
J'ai eu du mal à photographier quelque chose concernant les machines utilisées pour la fabrication des espadrilles. La seule expo que j'ai trouvé sur notre route était gardée par un espèce de cerbère en jupon qui zieutait mon coolpix comme si c'était l'arme atomique. Sur ma demande pressante elle a accepté de mauvaise grâce que je prenne quelques photos en me faisant comprendre qu'il faudrait qu'ensuite je passe à l'inévitable boutique qui jouxte aujourd'hui tous les musées de l'hexagone.
Ici je n'aurais aucune explication quant à leur fabrication, le seul désir étant la vente; je me contenterais donc juste de chiper quelques photos. Si vous êtes dotés de RealPlayer, vous pouvez voir cette fabrication ici mais il n'est pas facile de trouver un site avec des explications claires.
Pour ma part, les espadrilles (espartina) que j'ai ramenées, elles viennent de Saint-Jean-Pied-de-Port où les gens ont été plus avenants.