Instrumentalisation
Je n'apprécie pas le sport de compétition de haut niveau. Il exacerbe le chauvinisme en flattant les bas instincts des supporters. Si l'on prend le football, par exemple, il dresse l'un contre l'autre non seulement deux équipes mais également deux populations. Cela serait acceptable si ça en restait au niveau du sport, mais, arrivé au sommet de la hiérarchie des matchs, les enjeux revêtent automatiquement une importance qui suit la courbe des intérêts financiers. Les antagonismes s'en trouvent accrus et les dérives se font jour : xénophobie, racisme, etc.
Je trouvais cela désolant mais cela ne m'affectait pas plus que ça. Jusqu'au moment où a eu lieu la Coupe Du Monde en Argentine. C'était en 1978 au moment de la dictature des colonels. La France a eu le bon goût de se faire virer au premier tour. Les matchs avaient lieu à quelques centaines de mètres du centre de torture le plus important du pays. Oui mais voilà, l'actualité politique, je dirais même humanitaire, s'était arrêtée pendant les 25 jours durant lesquels les cris des suppliciés étaient étouffés par les clameurs des supporters. 10 000 à 30 000 personnes disparurent, mais certains retiendront surtout que l'Argentine remporta la Coupe au prix des quelques tricheries habituelles qui émaillent ce genre de compétitions où il est de bon ton que le résultat final soit autant politique que sportif, voire plus.
C'est de cette époque que vient mon aversion pour les compétitions internationales de haut niveau.
Ce sentiment s'est trouvé atténué ces jours-ci grâce à l'initiative de Lilian Thuram et Patrick Vieira qui ont réservé 70 places d'un match relativement important aux expulsés de Cachan. Assister à un match est une maigre compensation, mais on peut espérer que cela a permi aux bénéficiaires d'oublier pour quelques temps les joyeusetés qu'on leur fait subir.
Ce qui me fait sourire c'est la réflexion de Jean-François Lamour, ministre des sports, qui a demandé à la fédération française de football (on se demande d'ailleurs ce qu'elle vient faire là-dedans, l'initiative des joueurs étant d'ordre privée) de veiller à ce que les compétitions sportives ne soient pas "instrumentalisées".
Je trouve cette recommandation assez comique venant d'un personnel politique qui adore se faire filmer, photographier, interviewer lors des grandes compétitions internationales. Je doute que la totalité de ces gens, qui viennent se montrer, entouré de journalistes et de gardes du corps, au milieu de la populace au lieu de célébrer comme il se doit leurs maîtresses ou amants, aient une passion pour le sport telle qu'ils ou elles acceptent de quitter les salons dorés de la politique ou les discussions feutrées de leurs cercles de réflexions respectifs pour leur préférer des gradins même moleskinés et chauffés, et les clameurs "kros" d'une foule en délire.